Le jour où le gros Roy a cessé de nous intimider
Ceci est une histoire presque vraie
Ça se passait à l’hiver de 1958.
À Limoilou, quartier où j’ai grandi à Québec, il y avait des équipes de hockey dans chaque paroisse : St Fidèle, ma paroisse, St François d’Assise, St Charles, St Esprit et Stocan, drôle de nom pour Stadaconna. Stocan…juste entendre le nom nous faisait trembler car on disait qu’il y avait beaucoup de bagarreurs.
Notre équipe était la meilleure, la plus rapide mais aussi la plus chétive. Quand on jouait contre le durs à cuire de Stocan, on se faisait toujours planter car ils étaient reconnus pour pratiquer un style de jeu robuste, intimidant. On s’écrasait souvent contre eux car personne dans notre équipe ne pouvait répliquer à leurs attaques sournoises et à leurs coups vicieux.
Le plus toff de Stocan les toasts était Guy Roy, un baveux doté d’un physique imposant. Avant chaque match il nous criait :
- Hé les fillettes de St Fidèle, on va vous écraser comme des mouches. Gang de feuluettes, gang de jaunes !
Et le bal commençait, Roy cherchant à nous plaquer de toutes ses forces dans la bande quand l’occasion se présentait. Tous nous avions une peur bleue de Roy.
Après les matchs, le gros Roy me suivait souvent jusque chez moi en me traitant de maudite tapette et en m’invitant à me battre “comme un homme” avec lui. J’étais terrorisé.
Un jour, notre coach, monsieur Gauvreau, nous réunit après une défaite amère contre Stadaconna et l’intimidant Roy pour nous annoncer ceci :
- Les gars, j’ai décidé d’ajouter du muscle à notre équipe. Paul Labrie, de St Charles, vient de déménager dans notre paroisse et il va jouer avec nous autres.
La famille Labrie comptait cinq garçons et Paul était le plus vieux.
Wow, Labrie, le dur à cuire de St Charles va jouer avec nous autres. Nous étions ravis, excités. Le gros Roy allait en manger tout une.
Labrie était un gars de peu de mots. Il parlait surtout avec ses poings. Dès la mise en jeu, il appliqua une solide droite à Roy qui s’était approché pour le narguer. Roy quitta la patinoire le nez en sang et on ne le revit pas du match.
Mais Roy décida de se venger. Plusieurs mois plus tard, alors qu’on jouait au baseball dans la ruelle, Roy apparut, plus décidé que jamais à me donner une correction. Comme il allait me frapper, le gros Roy reçut la plus retentissante taloche derrière la tête. C’était l’autre frère Labrie qui venait de le frapper...
J’ai revu le gros Roy à Québec dans un centre commercial il y a trois ans. Il ne m’a pas reconnu sur le coup mais quand je suis passé près de lui je lui ai dit :
- Te souviens-tu des frères Labrie?
Il m’a regardé sans comprendre et il a continué sa route en se retournant pour me regarder. Je crois qu’il m’a reconnu…Il y a de choses et des gens que l'on oublie pas.
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